Un virage stratégique dans un monde multipolaire
Le concept de « pivot vers l’Asie », initié par les États-Unis dès 2008, a contribué à affaiblir la position mondiale de l’Europe. L’émergence de puissances comme la Chine et le Brésil, des pays du « Sud global », complique l’ambition de l’Europe de promouvoir des valeurs universelles dans un monde où les intérêts économiques dominent. La crise de la COVID-19 a révélé une dépendance commerciale européenne vis-à-vis de la Chine, tandis que la guerre en Ukraine a rappelé sa dépendance énergétique à la Russie. En 2022, 90 % des besoins de l’UE en lithium, cobalt et terres rares dépendaient des importations, principalement de pays non-européens, renforçant sa vulnérabilité économique et stratégique.
En 2022, Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne, a souligné la nécessité pour l’Europe d’adopter une « permanence stratégique », un tournant historique qui rompt avec la tradition d’une défense exclusivement assurée par les États-Unis. Dans cette lignée, l’Allemagne, traditionnellement réservée en matière militaire, a annoncé en 2022 un investissement inédit de 100 milliards d’euros dans ses capacités de défense pour renforcer une Europe souveraine. Ce virage stratégique, initié depuis des années par la France, appelle l’UE à repenser sa place dans le monde.
La dépendance aux ressources et aux chaînes d’approvisionnement pousse l’Europe à affirmer sa souveraineté.
Vers une Europe souveraine : un défi pour la cohésion européenne
L’Europe cherche désormais à réduire sa dépendance énergétique et industrielle, mais cet objectif soulève des défis. Par exemple, les chaînes de valeur des matières premières critiques, essentielles aux technologies vertes et numériques, dépendent de pays extérieurs. Pour Josep Borrell, ce changement implique une transition profonde vers une Europe plus autonome, capable de rivaliser avec les grandes puissances. Le retour de Donald Tusk au poste de Premier ministre polonais en 2023 pourrait également renforcer cette dynamique de rapprochement européen. En 2024, le ministre des Affaires étrangères polonais a affirmé la volonté d’une Europe « puissance géopolitique ».
Néanmoins, l’Europe doit résoudre des dissensions internes, notamment sur les décisions de sécurité. Josep Borrell a ainsi proposé de revoir la règle de l’unanimité pour accélérer les prises de décisions stratégiques. Cette refonte vise à consolider la cohésion européenne dans un monde où les rivalités géopolitiques s’intensifient, un enjeu pressant à l’approche des élections européennes.
L’Europe aspire à devenir une puissance géopolitique mais doit renforcer sa cohésion pour faire face aux défis mondiaux.
L’Europe amorce ainsi une transition cruciale pour renforcer sa souveraineté, avec l’espoir de devenir un acteur géopolitique majeur, même si le chemin reste semé d’obstacles.