Situées à environ 300 kilomètres à l’est de la Nouvelle-Calédonie, les îles Matthew et Hunter sont deux formations volcaniques inhabitées, respectivement de 0,7 et 1 km². Occupées par la France depuis 1929, elles sont restées sous souveraineté française après l’indépendance des Nouvelles-Hébrides, devenues le Vanuatu, en 1980. Cependant, dès mars 1983, le Vanuatu a contesté cette souveraineté, revendiquant ces îlots comme partie intégrante de son territoire national. Cette revendication a engendré des tensions diplomatiques entre les deux nations, poussant la Marine nationale française à effectuer des patrouilles régulières pour réaffirmer la souveraineté française.
Bien que ces îlots soient inhabités et probablement inhabitables, leur importance réside dans la Zone Économique Exclusive (ZEE) qu’ils génèrent. En effet, ces territoires confèrent une ZEE d’environ 350 000 kilomètres carrés, soit un cinquième de la ZEE de la Nouvelle-Calédonie. Pour le Vanuatu, qui tire une part significative de ses ressources de la vente de licences de pêche, l’intégration de cette zone pourrait représenter un atout économique majeur, notamment en accordant des licences à des pêcheurs étrangers, y compris chinois, actifs dans la région.
Entre ambitions économiques, enjeux stratégiques et revendications culturelles, la dispute autour de Matthew et Hunter reflète les tensions croissantes dans le Pacifique Sud.
La revendication du Vanuatu s’appuie également sur des arguments culturels. Un rapport des Nations Unies publié en 2011 affirme que les îles Matthew et Hunter étaient des lieux de culte et de rituels pour les populations ni-vanuatu depuis des générations. Cette dimension culturelle renforce la position de Port-Vila dans sa quête de souveraineté sur ces territoires.
En 2009, le Front de Libération Nationale Kanak et Socialiste (FLNKS), mouvement indépendantiste de Nouvelle-Calédonie, a signé avec le Premier ministre ni-vanuatu la déclaration de Keamu. Ce document reconnaît la souveraineté coutumière du Vanuatu sur les îles Matthew et Hunter, invoquant la répartition ancestrale des îles entre les Mélanésiens. Cette initiative a été immédiatement dénoncée par l’État français et les mouvements loyalistes en Nouvelle-Calédonie. Le FLNKS a réaffirmé cette position en 2019, soulignant les liens culturels et historiques entre ces îles et le Vanuatu.
Un statu quo fragile
Malgré une rencontre en 2018 à Sydney entre des représentants français et ni-vanuatu, aucune avancée significative n’a été réalisée pour résoudre ce différend territorial. Lors de la visite historique du président Emmanuel Macron en juillet 2023, la première d’un chef d’État français au Vanuatu depuis le général de Gaulle en 1966, la question des îles Matthew et Hunter a été abordée. Cependant, aucun accord n’a été trouvé, bien que Port-Vila ait indiqué un rapprochement des positions.
Les îles Matthew et Hunter, bien que modestes en superficie et inhabitées, cristallisent des enjeux géopolitiques, économiques et culturels majeurs dans le Pacifique Sud. Leur statut demeure un point de tension entre la France et le Vanuatu, reflétant des intérêts divergents et des revendications profondément ancrées.
La situation de blocage illustre l’impasse diplomatique entre la France et le Vanuatu, où ni concession ni escalade ne semblent à l’ordre du jour.
Les discussions autour de ces îles illustrent les défis complexes de la décolonisation et de la souveraineté dans le Pacifique, où les héritages historiques se confrontent aux réalités contemporaines. La résolution de ce différend nécessitera une approche diplomatique délicate, prenant en compte les aspirations culturelles, économiques et politiques des parties prenantes.
Alors que le Vanuatu continue de plaider pour la reconnaissance de sa souveraineté sur les îles Matthew et Hunter, la France maintient sa position, soulignant l’importance stratégique et économique de ces territoires pour la Nouvelle-Calédonie. Les négociations se poursuivent, mais une solution mutuellement acceptable reste à trouver.
La situation des îles Matthew et Hunter met en lumière les dynamiques complexes des relations internationales dans le Pacifique Sud, où les questions de souveraineté, d’identité culturelle et d’intérêts économiques s’entremêlent.
Entre Paris et Port-Vila, le torchon brûle
Si la question des îles Matthew et Hunter a refait surface avec la visite d’Emmanuel Macron en juillet 2023, le contentieux territorial entre la France et le Vanuatu s’inscrit dans une longue série de tensions diplomatiques. Depuis les années 1980, plusieurs tentatives de résolution ont échoué, révélant des divergences profondes entre les deux États. À ce jour, la France maintient fermement son emprise sur ces îlots stratégiques, tandis que le Vanuatu ne cesse de réclamer leur rattachement.
L’enjeu central de cette querelle repose sur la Zone Économique Exclusive (ZEE) qu’ils génèrent, étendue sur 350 000 kilomètres carrés, offrant d’importantes ressources maritimes et potentiellement sous-marines. Pour Paris, ces îles sont un prolongement de la Nouvelle-Calédonie, qui bénéficie d’une vaste ZEE dans le Pacifique Sud. Le Vanuatu, quant à lui, considère que la possession de cette zone pourrait renforcer son économie en développant la pêche et en ouvrant la porte à des accords avec des partenaires étrangers.
Le contentieux autour des îles Matthew et Hunter n’est pas qu’une question de souveraineté : il s’agit d’un enjeu stratégique pour le contrôle des ressources du Pacifique Sud.
Mais au-delà des arguments économiques et diplomatiques, c’est aussi une question identitaire et culturelle qui est mise en avant par Port-Vila. Depuis la publication d’un rapport de l’ONU en 2011, le Vanuatu insiste sur l’importance ancestrale des îles Matthew et Hunter pour ses populations, les décrivant comme des lieux de culte et de rituels depuis des générations. Une revendication renforcée par le soutien du FLNKS (Front de Libération Nationale Kanak et Socialiste) en Nouvelle-Calédonie, qui milite pour une reconnaissance de la souveraineté ni-vanuatu au nom des liens historiques entre les Mélanésiens de la région.
En 2009, la déclaration de Keamu, signée entre le FLNKS et le Premier ministre du Vanuatu, officialisait cette reconnaissance coutumière. Ce texte, immédiatement dénoncé par l’État français et les loyalistes calédoniens, a cependant été réaffirmé par le FLNKS en 2019, montrant que le contentieux dépasse largement le cadre bilatéral entre la France et le Vanuatu.
Une diplomatie à l’arrêt
L’absence d’accord entre Paris et Port-Vila ne résulte pas d’un manque de discussions. En 2018, une rencontre a eu lieu à Sydney entre représentants français et ni-vanuatu pour tenter d’aplanir le différend. Toutefois, cette réunion n’a débouché sur aucune avancée concrète.
Lorsque Emmanuel Macron s’est rendu au Vanuatu en juillet 2023, la question des îles Matthew et Hunter était au cœur des préoccupations locales. Une semaine avant son arrivée, le Daily Post, seul quotidien du pays, titrait en une sur ce contentieux, soulignant les attentes du gouvernement ni-vanuatu. Pourtant, malgré des échanges avec les autorités locales et un discours prônant un rapprochement entre la France et les nations du Pacifique, aucun compromis n’a été trouvé. Port-Vila a toutefois affirmé que les discussions restaient ouvertes et que les positions se rapprochaient progressivement.
Matthew et Hunter, deux îles inhabitées mais symboliques, cristallisent les tensions entre une ancienne puissance coloniale et une jeune nation qui cherche à affirmer son identité.
Le différend territorial autour de ces îles reste donc en suspens. La France continue de mener des patrouilles régulières autour de Matthew et Hunter pour marquer sa présence, et le Vanuatu maintient son offensive diplomatique en mobilisant ses alliés régionaux.
La situation actuelle illustre les complexités de la politique française dans le Pacifique Sud. Tout en cherchant à renforcer ses liens avec les pays de la région, notamment face à l’influence grandissante de la Chine, Paris doit jongler avec des contentieux historiques qui mettent en lumière les ambiguïtés de sa présence postcoloniale.
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