Sorti le 18 septembre 2024, « Les Graines du figuier sauvage » plonge au cœur d’une famille de la petite bourgeoisie de Téhéran, révélant les tensions entre une autorité patriarcale et le désir d’émancipation des jeunes générations. Iman, le père, est un enquêteur au tribunal révolutionnaire, contraint de signer des condamnations à mort qu’il sait injustes, mais qu’il accepte pour préserver sa position sociale. Sa femme, Najmeh, est soumise aux diktats d’un régime qui lui impose son rôle. Leurs filles, Rezvan et Sana, symbolisent quant à elles la jeunesse iranienne en quête de changement, refusant de perpétuer un système oppressif.
Dates clés | Chiffres clés |
16 septembre 2022 : Mahsa Amini décède en garde à vue après son arrestation pour « port inapproprié du voile ». | 300 : Nombre de cinéastes iraniens actuellement poursuivis par la justice pour leurs œuvres critiques envers le régime. |
18 septembre 2024 : Sortie du film « Les Graines du figuier sauvage » en France. | 8 ans : Peine de prison à laquelle Mohammad Rasoulof a été condamné en mai 2024 pour « atteinte à la sûreté de l’État ». |
24 mai 2024 : Présentation du film au Festival de Cannes, en l’absence du réalisateur en raison de sa condamnation. | 28 jours : Durée de l’évasion clandestine de Mohammad Rasoulof d’Iran vers l’Allemagne pour échapper à son incarcération. |
Mohammad Rasoulof, confronté à la censure sévère du gouvernement iranien, a tourné son film clandestinement, intégrant des images réelles des manifestations diffusées sur les réseaux sociaux. Cette approche rend hommage au courage des femmes qui, au péril de leur vie, ont documenté la répression brutale des autorités. Les réseaux sociaux se révèlent ainsi être des outils essentiels de mobilisation et de diffusion de la réalité du terrain, permettant aux protagonistes du film, Rezvan et Sana, de développer une conscience critique face à l’oppression.
Le cinéma, dans ce contexte, devient un acte de résistance pacifique, offrant une plateforme pour exprimer les aspirations à la liberté et à l’égalité. En exposant les dynamiques familiales comme reflet de la société iranienne, « Les Graines du figuier sauvage » met en lumière les conflits intergénérationnels et les aspirations d’une jeunesse déterminée à briser les chaînes du patriarcat.
Le film comme acte de dissidence artistique
« Les Graines du figuier sauvage » illustre avec intensité l’autocratie familiale, miroir du régime patriarcal iranien ébranlé par la révolte populaire du mouvement « Femme, Vie, Liberté ».
La répression en Iran s’est intensifiée sous le régime d’Ebrahim Raïssi, rendant le climat encore plus hostile pour les artistes et les dissidents. Malgré les risques, Rasoulof a persévéré dans sa mission de documenter et de dénoncer les injustices, jusqu’à ce que sa condamnation à huit ans de prison en mai 2024 le contraigne à fuir clandestinement vers l’Allemagne. Cette fuite souligne la détermination du réalisateur à continuer son combat pour la liberté d’expression et les droits des femmes, même au prix de l’exil.
Chaque image du film est une preuve du courage de celles et ceux qui défient la dictature au quotidien, malgré le prix à payer.
Malgré la répression qui s’abat sur le pays, la résistance persiste, portée par une nouvelle génération déterminée à obtenir « Femme, Vie, Liberté ».
Ce film, en capturant la réalité d’une société en pleine mutation, offre une voix aux sans-voix et témoigne de la puissance du cinéma comme vecteur de changement social et politique.
Si Les Graines du figuier sauvage suscite une telle réaction du régime iranien, c’est parce qu’il ne se contente pas de raconter une histoire. Il expose une dynamique de pouvoir brutale, qui ne se limite pas aux sphères familiales mais reflète un système répressif organisé, où chaque individu doit choisir entre l’obéissance ou la marginalisation. En situant son intrigue dans une famille qui symbolise l’ossature idéologique du pouvoir iranien, Mohammad Rasoulof ne laisse aucune place à l’ambiguïté. Son film dénonce directement la mécanique de soumission mise en place par l’État, et met en scène l’éveil douloureux de la conscience politique chez les jeunes générations.
Une œuvre condamnée, un réalisateur en exil
Le fait que le réalisateur ait été contraint de filmer clandestinement, puis d’intégrer des images réelles des manifestations, illustre à quel point le cinéma en Iran est un champ de bataille idéologique. En utilisant des vidéos captées par des anonymes au cœur des révoltes, Rasoulof ne raconte pas seulement une fiction, il documente la résistance et inscrit son œuvre dans l’histoire des luttes sociales iraniennes.
Un cinéma de combat sous haute surveillance
Depuis la révolution de 1979, le cinéma iranien subit un contrôle strict de la censure, qui empêche toute représentation perçue comme déviante par les autorités. Les cinéastes, contraints de se plier aux directives de propagande, doivent éviter certains sujets : la critique du régime, le rôle des femmes, les manifestations, ou encore l’influence grandissante des réseaux sociaux.
Quand l’État contrôle tout, la caméra devient une arme. Filmer, c’est refuser d’être réduit au silence.
Pour contourner la censure, Rasoulof a tourné en secret, sans autorisation officielle, exposant ainsi toute son équipe aux risques de poursuites judiciaires. L’utilisation d’images amateures diffusées sur les réseaux sociaux montre que le contrôle du régime sur la parole publique se heurte désormais à des outils de communication impossibles à museler entièrement. Ce choix narratif accentue l’impact du film, rendant tangible la violence d’État et la résistance du peuple iranien face à la répression.
Avec ce film, Mohammad Rasoulof rejoint la longue liste des artistes iraniens pourchassés par leur propre gouvernement. Condamné à 8 ans de prison en mai 2024, le réalisateur a choisi l’exil plutôt que l’incarcération, réussissant à fuir clandestinement l’Iran en traversant la frontière à pied pendant 28 jours. Son départ forcé rappelle celui d’autres cinéastes, comme Jafar Panahi, régulièrement emprisonné et empêché de tourner par les autorités.
Un symbole pour la jeunesse iranienne
Mais quitter son pays ne signifie pas renoncer à son combat. Depuis l’Allemagne, où il a trouvé refuge, Rasoulof continue de dénoncer les atteintes aux libertés fondamentales en Iran, espérant que son film puisse sensibiliser la communauté internationale à la situation des femmes iraniennes.
Chaque génération a son combat. Celle d’aujourd’hui veut briser les chaînes du patriarcat iranien, et refuse d’être réduite au silence.
Si Les Graines du figuier sauvage fait tant parler de lui, c’est parce qu’il touche une corde sensible chez une jeunesse iranienne en quête de renouveau. Depuis la mort de Mahsa Amini, les jeunes femmes iraniennes ont démontré un courage inébranlable face à la répression. En se rasant la tête, en retirant leur voile dans l’espace public ou en défiant directement les forces de l’ordre, elles incarnent une rupture générationnelle que le régime peine à contenir.
Dans le film, Rezvan et Sana sont l’incarnation de cette jeunesse qui refuse de vivre sous un joug oppressif. Leur opposition frontale aux valeurs que leur père tente d’imposer fait écho aux milliers de femmes arrêtées, blessées ou tuées pour avoir osé réclamer leurs droits.
Crédit photo : Mohammad Bash/ShutterStock