De la vidéosurveillance à la VSA : un encadrement toujours plus renforcé
L’histoire de la vidéosurveillance en France commence avec la loi Pasqua de 1995, permettant l’installation de caméras dans l’espace public pour assurer la sécurité. Par la suite, la loi LOPSI de 2002 a transféré au préfet la gestion des dispositifs de surveillance, donnant un cadre administratif à ces installations. Avec la loi LOPSI II en 2010, la France distingue les termes de “vidéosurveillance” et “vidéoprotection” pour encadrer l’utilisation des caméras selon leur emplacement et leur objectif.
Dates Importantes | Chiffres Clés |
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1995-01-21 : Promulgation de la loi Pasqua, encadrant l’installation de caméras dans l’espace public. | 2,5 milliards d’euros : Enveloppe budgétaire allouée par la loi LOPPSI 2 pour la sécurité intérieure sur cinq ans. |
2002-08-29 : Adoption de la loi LOPSI, transférant la gestion des dispositifs de surveillance aux préfets. | 836 millions d’euros : Budget consacré à la sécurité intérieure en 2013 selon la loi LOPPSI 2. |
2010-03-14 : Promulgation de la loi LOPPSI 2, introduisant le terme « vidéoprotection ». | 485 caméras : Nombre de caméras utilisées lors des expérimentations de VSA pendant les JO de Paris 2024. |
2023-03-23 : Les députés autorisent la VSA pour les Jeux Olympiques de 2024. | 300 caméras : Nombre de caméras déployées par la RATP lors des JO de Paris 2024 pour la VSA. |
2023-11-14 : Révélation de l’utilisation illégale par la police française d’un logiciel israélien de reconnaissance faciale depuis 2015. | 177 utilisations : Nombre d’utilisations du logiciel BriefCam par la police en 2022 et 2023. |
2024-10-03 : Le gouvernement étudie la pérennisation de la VSA au-delà des JO de 2024. | 386 utilisations : Nombre d’utilisations du logiciel BriefCam par la gendarmerie en 2022 et 2023. |
2024-12-05 : La CNIL met en demeure le ministère de l’Intérieur et six communes concernant l’utilisation de la vidéosurveillance. | 8 ans : Durée pendant laquelle la police française a utilisé illégalement le logiciel BriefCam depuis 2015. |
Dans cette continuité, la loi relative aux Jeux Olympiques de 2024 franchit une nouvelle étape en autorisant les caméras dotées d’algorithmes capables d’identifier des comportements jugés “anormaux” en temps réel. Ces “caméras augmentées”, équipées d’intelligence artificielle, peuvent analyser les images pour détecter des anomalies comme des rassemblements soudains ou des comportements inhabituels. La CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) a exprimé des réserves face à ce déploiement massif, soulignant le besoin d’encadrer strictement les usages pour prévenir les abus.
La vidéosurveillance algorithmique, d’abord expérimentée pour Paris 2024, ouvre la voie à des technologies de surveillance de plus en plus intrusives.
Vers une surveillance massive : inquiétudes autour des libertés individuelles
L’ONG Amnesty International et l’association La Quadrature du Net ont exprimé leurs inquiétudes quant à cette nouvelle technologie. Selon Amnesty, la vidéosurveillance algorithmique risque de compromettre gravement les droits humains, en particulier la liberté d’expression et le droit à la vie privée. Le simple fait de savoir que chaque mouvement peut être analysé par un algorithme risque d’inciter les citoyens à modifier leurs comportements ou à s’auto-censurer, altérant la manière dont les individus interagissent dans l’espace public.
En novembre 2023, l’ONG Disclose a révélé que des technologies de surveillance similaires, provenant d’un logiciel israélien, étaient déjà utilisées par la police française depuis 2015, en dehors de tout cadre légal. Des juristes spécialisés considèrent ces pratiques comme liberticides, mettant en garde contre une possible banalisation de la surveillance algorithmique au-delà des Jeux Olympiques. Le danger réside dans le fait qu’une fois la technologie mise en place, son usage pourrait se généraliser et devenir permanent, transformant potentiellement les villes en espaces de contrôle continu.
Pour Amnesty, la VSA pourrait ouvrir la voie à une société de surveillance en continu, limitant les libertés individuelles.
Selon l’association La Quadrature du Net, cette légalisation marque l’acceptation d’une technologie considérée comme une des plus dangereuses pour les droits numériques. Les caméras intelligentes ne se contentent pas de surveiller passivement, elles analysent et interprètent en temps réel, et peuvent même discriminer sur la base de caractéristiques physiques. Ce dispositif, en plus de cibler des comportements jugés “déviants”, pourrait également renforcer les biais algorithmiques et discriminer des groupes spécifiques, une réalité qui inquiète de nombreux défenseurs des libertés individuelles.