Le Sahara occidental : source de tensions entre la France, le Maroc et l’Algérie

Le Sahara occidental peut-il être la nouvelle guerre d’Afrique du Nord ?

Le Sahara occidental : source de tensions entre la France, le Maroc et l’Algérie

Le Sahara occidental peut-il être la nouvelle guerre d’Afrique du Nord ?

Le Sahara Occidental, un territoire de 266 000 km², reste l’un des derniers bastions non décolonisés d’Afrique. Ses enjeux géopolitiques et diplomatiques s’étendent bien au-delà de sa localisation sur la carte. En 2024, alors que la France s’engage auprès du Maroc en soutenant sa souveraineté sur la région, les tensions avec l’Algérie prennent une ampleur inédite. Cette question, longtemps laissée en suspens sur la scène internationale, vient rappeler que la décolonisation, dans ce coin du Maghreb, est loin d’être achevée.

Le 20 octobre 2024, Emmanuel Macron a fait une déclaration en apparence anodine mais lourdement symbolique lors de sa visite officielle au Maroc : « Le présent et l’avenir du Sahara Occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine ». Cette prise de position intervient dans un contexte où la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara Occidental a déjà été affirmée par les États-Unis en 2020, suivis par l’Espagne en 2022. Si le Maroc, allié de longue date de la France, considère cette affirmation comme une avancée diplomatique majeure, la réaction en Algérie a été immédiate et virulente. Le gouvernement algérien a qualifié la déclaration française d’« inopportune et contre-productive », soulignant les tensions persistantes entre les deux pays sur cette question cruciale.

Ancienne colonie espagnole, le Sahara Occidental est un territoire qui reste, selon l’ONU, un « territoire non-autonome ». Cette désignation, issue des résolutions onusiennes, indique qu’il n’a pas encore accompli sa décolonisation, étant donné qu’il n’a ni obtenu son indépendance, ni choisi de s’intégrer à un autre État. Le Maroc revendique ce territoire depuis la fin du colonialisme espagnol en 1975, suite à la signature des accords de Madrid, et la création de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) soutenue par l’Algérie.

Un conflit gelé depuis 1975 

Le Sahara Occidental représente un enjeu majeur dans les relations diplomatiques entre le Maroc et l’Algérie. Ce dernier pays soutient fermement l’indépendance du Sahara Occidental, tout en offrant son soutien à la RASD. La France, de son côté, semble jouer un rôle ambivalent. Son passé colonial au Maroc, marqué par une relation historique et commerciale, la place dans une situation délicate vis-à-vis de l’Algérie, son ancienne colonie. Le soutien français au plan d’autonomie marocain pour le Sahara Occidental n’a pas manqué de provoquer une vive réaction à Alger, qui interprète cette position comme un soutien à l’occupation marocaine.

ÉvénementChiffres clés
1975 : Départ des troupes espagnoles du Sahara Occidental et signature des accords de Madrid.266 000 km² : Superficie du Sahara Occidental.
2020 : Les États-Unis reconnaissent la souveraineté marocaine sur le Sahara Occidental.Soutien diplomatique majeur : Position des États-Unis.
2022 : L’Espagne reconnaît à son tour la souveraineté marocaine sur le Sahara Occidental.Projections économiques : Développement des investissements marocains.
20 octobre 2024 : Emmanuel Macron déclare que le Sahara Occidental « s’inscrit dans le cadre de la souveraineté marocaine » lors de sa visite au Maroc.Investissements français en Afrique du Nord: Importance des nouveaux partenariats économiques.

Le 20 octobre 2024, Emmanuel Macron a exprimé son soutien à la politique du Maroc en matière de développement économique du Sahara Occidental. Il a notamment déclaré que « nos entreprises accompagneront le développement de ces territoires au travers d’investissements », accentuant ainsi l’engagement économique de la France dans la région. Pourtant, cette déclaration intervient à un moment où la décolonisation n’est toujours pas terminée, ce qui rend la situation complexe sur le plan du droit international.

L’alignement stratégique de la France sur la position marocaine concernant le Sahara Occidental ne se limite pas à des déclarations diplomatiques. Il a des répercussions concrètes sur les relations économiques entre la France et l’Algérie, ainsi que sur les investissements français en Afrique du Nord. Depuis la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara Occidental par les États-Unis en 2020 et l’Espagne en 2022, la France a pris un virage diplomatique similaire, ce qui a exacerbé les tensions avec l’Algérie. Cette dernière considère que la France a pris une position contraire à ses intérêts, et cette divergence pourrait affecter durablement les échanges commerciaux entre les deux pays.

Les tensions croissantes entre la France et l’Algérie risquent de modifier le paysage diplomatique de l’Afrique du Nord. L’alignement de la France avec le Maroc pourrait avoir des répercussions profondes sur ses relations avec ses anciennes colonies.

Les échanges commerciaux entre la France et l’Algérie ont déjà diminué en conséquence, alimentant un climat de méfiance croissant. Alger, qui ne cache pas son soutien à la RASD, a réduit sa représentation diplomatique en France, allant jusqu’à rappeler son ambassadeur à Paris après les déclarations de Macron en 2024. Cette réduction de la coopération économique pourrait avoir des effets néfastes sur la compétitivité des entreprises françaises sur le marché algérien, un secteur clé pour l’exportation de biens et de services.

La France envisage d’investir massivement au Maroc

Le soutien de la France au Maroc va bien au-delà de la diplomatie politique. En 2024, Emmanuel Macron a également annoncé que les entreprises françaises accompagneraient le développement du Sahara Occidental par des investissements. Cela a pour objectif de soutenir la croissance économique de la région tout en consolidant les liens commerciaux avec le Royaume du Maroc. Cependant, cette implication pourrait se heurter à des obstacles juridiques, notamment le non-respect des principes de décolonisation et la législation internationale qui interdit toute forme de commerce dans des territoires sous occupation.

Pourtant, le secteur privé français ne semble pas vouloir se laisser freiner par ces considérations juridiques. Des entreprises françaises de divers secteurs (énergie, infrastructures, technologie) sont déjà présentes dans le royaume et pourraient être incitées à renforcer leur présence au Sahara Occidental, malgré les réticences des acteurs politiques et diplomatiques, notamment en Algérie. Cela marque une phase nouvelle dans la diplomatie économique de la France, qui tente de se repositionner dans un contexte où ses anciennes colonies cherchent à réduire l’influence hexagonale sur leur territoire.

Les répercussions de la position de la France sur le Sahara Occidental vont au-delà des relations bilatérales. Elles affectent également la perception de la France en tant qu’acteur clé dans la diplomatie mondiale, particulièrement en Afrique, où son influence est contestée.

Les projets d’investissements français au Maroc sont en forte croissance. La France, dans un effort de diversification de ses partenariats économiques, cherche à renforcer ses relations avec les pays du Maghreb tout en se détournant progressivement de sa zone d’influence traditionnelle. Le Maroc, avec son statut géopolitique renforcé depuis la reconnaissance internationale de sa souveraineté sur le Sahara Occidental, apparaît comme un partenaire stratégique incontournable pour les entreprises françaises.

Cependant, les investissements français sont loin d’être exempts de controverses. L’implication des entreprises dans des projets sur des territoires contestés peut entraîner une remise en question des légitimités politiques des gouvernements partenaires. De plus, le respect du droit international et des résolutions de l’ONU sur la décolonisation reste une pierre d’achoppement. La France, tout en renforçant sa coopération avec le Maroc, doit naviguer entre les exigences diplomatiques et les impératifs économiques.

Crédit photo : Jaysen Naidoo Flickr

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