Entre destin et libre arbitre, Past Lives, le premier long métrage de la sud-coréenne et canadienne Celine Song illustre avec subtilité la manière dont nos premiers amours continuent d’exister, non pas comme une attache, mais comme une empreinte indélébile qui nous accompagne.
En Corée du Sud, le concept de “l’inyeon”, un lien qui unit deux personnes, issu de vies passées et qui agirait sur leurs relations passées et futures, semble parfaitement décrire la connexion entre Nora et Hae Sung. Leur histoire débute sur les bancs de l’école, où ils partagent une relation amicale. Mais cette dynamique est interrompue lorsque la famille de Nora émigre aux États-Unis. Douze ans plus tard, puis vingt-quatre ans plus tard, bien que les deux protagonistes soient désormais adultes, chacun ayant construit sa vie de manière indépendante, avec des projets, et des aspirations, leurs chemins se croisent à nouveau, et leur relation semble toujours marquée par cette attraction inexpliquée.
Ce film n’est pas le premier à s’interroger sur l’influence du premier amour. Dans À la recherche du temps perdu de Marcel Proust, l’amour du narrateur pour Albertine évolue après sa disparition, c’est dans l’absence et le manque qu’il en découvre un autre aspect. Ce n’est plus la personne elle-même qui est aimée, mais l’idéal qu’elle devient à travers la mémoire. L’amour prend ici la forme d’une obsession qui redéfinit non seulement le passé, mais aussi la vision de soi-même par le biais de la quête du désir et de la perte. Simone de Beauvoir, dans Les Mandarins, adopte une perspective différente.
À travers le personnage d’Anne, une intellectuelle qui vit une relation passionnée avec Lewis, l’auteure explore le dualisme entre amour et liberté. Comme Anne, Nora est confrontée à un choix : suivre une passion qui la reconnecte à une part d’elle-même qu’elle avait mise de côté, ou rester fidèle à la vie qu’elle s’est construite. Tout comme Beauvoir l’illustre avec Anne, l’amour passé devient une question de réconciliation autant que de transformation de soi. Tout compte fait, Past Lives montre que le premier amour n’est pas simplement un souvenir d’autrefois, mais une partie indissociable de ce que nous sommes devenus. Dans cette optique, il ne s’agit pas seulement de l’autre, mais d’une part de soi-même que l’on redécouvre à travers lui, parfois dans le manque, parfois dans le choix de ce que l’on veut devenir.