Pour l’Empire du Milieu, le pays magyar est une porte d’entrée à la fois économique sur le marché européen, mais aussi politique en termes d’influence sur l’Union européenne. Pour la Hongrie, la coopération avec Pékin lui permet surtout de réduire sa dépendance économique vis-à-vis de Bruxelles, critique du tournant de plus en plus illibéral pris par Viktor Orban, en profitant de plus de 16 milliards d’euros d’investissements massifs, au point de mettre en danger sa souveraineté.
Dès son arrivée au pouvoir, le Premier ministre Viktor Orban annonçait sa volonté d’ouverture à l’Est, et c’est dans l’optique de devenir un véritable pont entre Est et Ouest que le pouvoir hongrois s’est rapproché de Pékin au fil des années. En ce qui concerne la Chine, l’alliance s’est nouée dès 2014, avec la signature d’un accord de coopération entre les deux pays. Grâce à un impôt sur les sociétés de seulement 9 %, la Hongrie est devenue un paradis européen pour les capitaux chinois, devenant en 2023 la première source d’investissements étrangers. Une aubaine pour Orban, qui lui permettait au même instant de pallier le gel de 20 milliards d’euros de fonds par l’Union européenne en raison de ses atteintes à l’État de droit.
Les investissements en termes d’infrastructures sont multisectoriels, même s’ils se concentrent principalement sur le secteur automobile. Un moyen pour la Chine et les usines de son géant BYD d’être immunisées contre les récentes surtaxes européennes visant les importations de voitures électriques chinoises. Cette « lune de miel » sino-magyar n’est pas sans provoquer une hostilité croissante au sein de la population. La mobilisation autour de l’usine CATL en est un des symboles. Il y a tout d’abord une critique environnementale du projet, puisque l’usine consomme en eau l’équivalent de l’ensemble des 200 000 habitants de la région, elle-même déjà fragilisée par des sécheresses répétées.
Cette mobilisation s’est aussi doublée d’un enjeu social. Malgré les promesses d’opportunités économiques, le site industriel, comme beaucoup d’autres avant lui, va principalement faire appel à une main-d’œuvre de travailleurs « invités » venant principalement de pays d’Asie (Chine, Vietnam) ou d’Europe de l’Est (Ukraine, Pologne…). Pourtant adversaire acharné de l’immigration en Europe, Viktor Orban prévoit l’arrivée d’environ 500 000 travailleurs de ce type dans les années qui viennent, soit 5 % de la population hongroise actuelle. Il existe enfin un risque grandissant pour la Hongrie de tomber dans le piège de la dette, bien connu des pays émergents africains et asiatiques partenaires de la Chine. Ce fut le cas du Sri Lanka en 2022, un des premiers pays partenaires du projet des « nouvelles routes de la soie », qui fit défaut sur sa dette de 46 milliards de dollars, dont 20 % étaient détenus par Pékin. Une perspective de plus en plus réelle quand, en 2023, la Hongrie a emprunté un milliard d’euros auprès de trois banques chinoises pour éponger de précédentes dettes contractées par des projets d’investissements chinois antérieurs.