La nomination de Aoun a eu lieu suite à une rencontre entre des représentants des blocs du groupe militant pro-iranien, le Hezbollah, et de son allié, le mouvement Amal, et le commandant en chef de l’armée au Parlement, lui assurant ainsi la majorité nécessaire pour l’emporter. Cette élection survient dans un contexte post-conflit Hezbollah-Israël après 14 mois de guerre et une grave crise économique avec un PIB en baisse de 40 % depuis 2018. Joseph Aoun, chef de l’armée depuis 2017, est reconnu pour sa capacité à diriger, sa neutralité confessionnelle et son intégrité dans un contexte de corruption systémique. Sa présidence considérée comme symbolique s’inscrit dans un système où le pouvoir revient principalement au Premier ministre. Il a nommé Nawaf Salam, diplomate et président de la Cour internationale de justice, à ce poste, un choix perçu comme un défi par le Hezbollah.
Cette élection marque un basculement dans les équilibres régionaux. Longtemps sous l’emprise de l’Iran et de la Syrie, Beyrouth connaît un basculement vers un renforcement du rôle de l’Arabie Saoudite et des États-Unis dans ses affaires géopolitiques régionales. Le Hezbollah, acteur clé de la politique libanaise, a vu son influence diminuer, affaibli par le conflit l’opposant à Israël, ainsi que par la chute en décembre du président syrien Bachar al-Assad, son principal allié. Ces revers s’inscrivent dans un contexte d’affaiblissement de “l’axe de la résistance” de l’Iran . L’élection de Joseph Aoun à la présidence intervient dans un contexte tendu au sud du Liban, marqué par la présence israélienne depuis octobre 2024. L’accord de cessez-le-feu de novembre 2024 prévoit le retrait israélien et le déploiement conjoint de l’armée libanaise et de la FINUL sous 60 jours, ainsi que le retrait du Hezbollah au nord du Litani. Joseph Aoun a réaffirmé son engagement à récupérer ce territoire et exigé un retrait israélien d’ici le 26 janvier lors d’un échange avec le secrétaire général de l’ONU. Cependant, Israël a unilatéralement annoncé que l’opération se prolongerait au-delà de cette échéance.
L’élection de Aoun, bien que symbolique, ne modifie pas fondamentalement les dynamiques politiques. Elle marque certes une étape dans la recomposition des équilibres, sans pour autant résoudre les crises profondes : reconstruction du port de Beyrouth, lutte contre la corruption, réformes socio-économiques et gestion de deux millions de réfugiés syriens.