Art ancestral chinois, le Feng Shui vise à favoriser bien-être et prospérité à travers l’harmonisation de l’environnement. Il est fondé sur les principes du Yin et du Yang, et en particulier celui du “Qi 氣”, signifiant l’énergie vitale. Ce dernier fait référence aux flux qui circulent dans l’univers et dans le corps humain. Afin de favoriser sa circulation et la chance, le Feng Shui analyse et aménage l’espace en tenant compte des cinq éléments.
Lors de la conception de nouveaux bâtiments à Hong Kong, ces principes millénaires peuvent être pris en compte dans l’orientation, le choix du site, le choix de matériaux afin de favoriser le flux positif d’énergie. Les ouvertures intégrées dans certains immeubles sont appelées « portes des dragons » car elles permettent le passage du dragon, symbolisant le Qi. Symbole de bonne fortune, le dragon peut ainsi se déplacer sans obstacle entre les montagnes et l’eau, éléments essentiels de la cosmologie chinoise.
D’autres constructions illustrent cette influence, comme le HSBC Main Building avec son atrium creux conçu pour canaliser l’énergie positive ou le Cheung Kong Centre et sa forme carrée protectrice. Le Hopewell Center s’inscrit aussi dans cette logique. La piscine sur son toît contrebalancerait la forme cylindrique du bâtiment, perçu comme trop semblable à une bougie ou une cigarette, symboles de feu et de mort dans la culture chinoise.
Entre 2011 et 2016, le gouvernement hongkongais a versé 1,1 million de dollars à des habitants se plaignant de perturbations causées par certaines constructions modernes sur le Feng Shui de leur environnement. Une partie de ces fonds a financé des rituels menés par des maîtres Feng Shui. Aujourd’hui, près de 10 000 praticiens de Feng Shui exercent à Hong Kong, dont beaucoup sont arrivés dans les années 60 après l’interdiction de cette pratique en Chine continentale.
Bien que le Feng Shui ait une influence culturelle indéniable, il n’est pas unanimement considéré comme déterminant dans l’architecture hongkongaise. Les plus cartésiens attribuent ces constructions à des enjeux plus pragmatiques . Au-delà de ses aspects spirituels, les “portes du dragon” jouent notamment un rôle dans la gestion du climat urbain : elles atténuent l’effet d’îlot de chaleur urbain en améliorant la ventilation de la ville. Avec ses hauts bâtiments, ses rues étroites, et sa grande consommation de climatisation, la ville subit des pics de chaleur de plus en plus fréquents dus au changement climatique. À la croisée de la tradition et de la modernité, ces structures allient donc croyances historiques et solutions contemporaines.