Le 8 décembre 2024, lors d’une interview accordée à NBC News, le président élu a menacé de retirer les États-Unis de l’OTAN si les alliés européens ne contribuaient pas davantage financièrement à leur propre défense. Cette déclaration s’inscrit dans une série d’actions visant à désengager les États-Unis de divers accords et organisations internationaux, reflétant sa doctrine « America First ».
Historiquement, les États-Unis ont oscillé entre isolationnisme et interventionnisme. Avant la Première Guerre mondiale, le pays adoptait une posture isolationniste, évitant les alliances étrangères. Cette tendance s’est poursuivie durant l’entre-deux-guerres, avant de basculer vers un interventionnisme marqué à partir de 1941. La présidence de Donald Trump marque un retour à une forme d’isolationnisme, où les engagements internationaux sont réévalués sous l’angle des intérêts nationaux.
Dates clés | Chiffres clés |
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8 décembre 2024 : Trump menace de quitter l’OTAN si les alliés ne financent pas davantage leur défense. | 51 % : Part des électeurs de Trump en 2024 citant l’économie comme principal facteur de vote. |
20 janvier 2025 : Retrait officiel des États-Unis de l’Accord de Paris. | 22 % : Part du budget total de l’ONU financée par les États-Unis avant la réduction voulue par Trump. |
Février 2025 : Négociations directes entre Trump et Poutine sur l’Ukraine, sans l’Europe. | 5 % du PIB : Nouveau seuil de dépenses militaires exigé par Trump pour les alliés de l’OTAN. |
Mars 2025 : Signature d’un décret autorisant l’exploitation pétrolière en Alaska. | 27 % : Contribution américaine aux opérations de maintien de la paix de l’ONU, en passe d’être réduite de moitié. |
Avril 2025 : L’Union européenne annonce un renforcement de ses engagements climatiques pour compenser le retrait américain. | 300 milliards de dollars : Estimation du coût total des engagements de l’Accord de Paris pour les États-Unis, selon l’administration Trump. |
Cette approche se manifeste par plusieurs décisions clés. En mai 2018, Trump annonce le retrait des États-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien, estimant que cet accord ne sert pas les intérêts américains. Plus récemment, en janvier 2025, il signe un décret exécutif ordonnant le retrait des États-Unis de l’accord de Paris sur le climat, qualifiant cet engagement de « fraude injuste et unilatérale ». Ces actions illustrent une vision où les accords multilatéraux sont perçus comme contraignants et désavantageux pour les États-Unis.
L’un des principaux arguments avancés par Trump pour justifier ces retraits est la charge financière disproportionnée supportée par les États-Unis dans le cadre de ces engagements internationaux. Il critique notamment le fait que les alliés européens dépendent excessivement de la protection américaine sans contribuer équitablement aux dépenses de défense. Cette vision budgétaire de la politique internationale vise à réduire les dépenses américaines à l’étranger et à recentrer les ressources sur les priorités nationales.
L’isolationnisme relève d’une vision autocentrée des États-Unis. Mais la doctrine Trump, en favorisant un désengagement sélectif et en imposant ses conditions, s’apparente davantage à un unilatéralisme assumé.
Parallèlement, Trump adopte une approche bilatérale des relations internationales, privilégiant les accords directs entre nations plutôt que les engagements multilatéraux. Cette stratégie se traduit par des négociations directes avec des leaders comme Vladimir Poutine, notamment concernant la situation en Ukraine. Cependant, cette approche suscite des inquiétudes parmi les alliés traditionnels des États-Unis, qui se sentent marginalisés et craignent une déstabilisation de l’ordre international établi.
En février 2025, son administration entame ainsi des discussions avec la Russie sur un potentiel cessez-le-feu en Ukraine, excluant les Européens des négociations. Cette approche marque une rupture avec la diplomatie américaine traditionnelle, qui privilégiait une coordination avec les alliés avant d’engager des discussions avec des puissances rivales.
L’OTAN et la doctrine « America First » : une remise en cause des alliances
Cette tendance se reflète également dans le domaine commercial. Donald Trump, fidèle à son rejet des accords commerciaux multilatéraux, envisage de réviser l’Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC), mettant en péril l’équilibre des relations commerciales nord-américaines.
Les décisions de Donald Trump de se retirer de divers accords internationaux reflètent une vision où les engagements multilatéraux sont perçus comme des contraintes limitant la souveraineté américaine. Cette approche privilégie des accords bilatéraux, considérés comme plus flexibles et mieux adaptés aux intérêts immédiats des États-Unis.
Cette stratégie a des implications majeures pour les alliances traditionnelles des États-Unis. Les partenaires européens, en particulier, expriment des préoccupations quant à la fiabilité de l’engagement américain envers la sécurité collective. La remise en question de l’OTAN et le désengagement des accords climatiques internationaux pourraient entraîner une reconfiguration des relations transatlantiques et une redéfinition des responsabilités en matière de sécurité globale.
En reconfigurant la politique étrangère américaine sur la base d’intérêts purement nationaux et transactionnels, Trump transforme profondément le rôle des États-Unis sur la scène mondiale. Les conséquences de cette doctrine pourraient s’étendre bien au-delà de son mandat, modifiant durablement l’équilibre des relations internationales.
Des relations bilatérales au détriment du multilatéralisme
Depuis son premier mandat, Donald Trump a appliqué une grille de lecture strictement économique aux relations internationales, estimant que les engagements multilatéraux coûtent plus qu’ils ne rapportent aux États-Unis. L’OTAN, l’ONU, ou encore les accords climatiques sont perçus comme des charges financières excessives pour le contribuable américain, un argument essentiel pour son électorat. En 2024, 51 % des électeurs de Trump déclaraient que l’économie était leur principale préoccupation, et c’est cette base électorale que le président vise en remettant en cause la contribution américaine aux grandes institutions internationales.
En février 2025, son administration annonce ainsi une refonte de la contribution américaine à l’ONU, avec une baisse drastique de sa participation au budget de l’organisation. Les États-Unis financent actuellement près de 22 % du budget ordinaire de l’ONU et 27 % des opérations de maintien de la paix. L’objectif de Trump est de réduire cette contribution de moitié, obligeant d’autres pays à compenser la différence sous peine d’un désengagement total des États-Unis de certaines agences onusiennes. Cette menace avait déjà été brandie en 2017 sous son premier mandat, avec le retrait américain de l’UNESCO.
Cette logique budgétaire s’applique aussi aux engagements militaires internationaux. L’OTAN est un point de friction majeur entre Washington et ses alliés. En exigeant que les pays européens atteignent rapidement 5 % de leur PIB en dépenses militaires – un seuil bien supérieur aux 2 % initialement demandés – Trump cherche à alléger le poids de la défense collective américaine. Cette position radicale place les pays européens face à un dilemme : accroître leurs budgets militaires au détriment d’autres politiques publiques ou accepter un affaiblissement du rôle des États-Unis dans la défense européenne.
Le désengagement systématique au nom de la doctrine budgétaire
L’un des principes fondamentaux de la diplomatie trumpienne est la préférence pour des accords bilatéraux au lieu de traités multilatéraux. Donald Trump estime que les organisations internationales entravent la liberté des États-Unis en les contraignant par des engagements de long terme. Cette logique s’est traduite par des négociations directes avec la Russie, la Chine et d’autres puissances, sans passer par les canaux traditionnels.
Ainsi, en février 2025, alors que la guerre en Ukraine se poursuit, Trump entame des discussions avec Vladimir Poutine pour tenter d’établir un cessez-le-feu, excluant les Européens des négociations. Cette décision alimente des tensions entre Washington et l’Union européenne, qui considère cette initiative comme une remise en cause de l’unité occidentale face à Moscou. Pour Donald Trump, cette approche s’inscrit dans la continuité de sa politique étrangère transactionnelle : les alliances sont négociables et doivent être rentables pour les États-Unis.
L’isolationnisme historique des États-Unis a toujours été nuancé par une capacité d’influence mondiale. La doctrine Trump, en privilégiant un désengagement sélectif, relève davantage de l’unilatéralisme que du véritable isolement.
Ce rejet des structures multilatérales s’observe aussi sur le plan commercial. Donald Trump a toujours dénoncé les accords de libre-échange qu’il juge défavorables aux travailleurs américains. Déjà en 2017, il avait retiré les États-Unis du Partenariat Transpacifique (TPP). En 2025, il relance son projet de réforme des accords commerciaux, envisageant une remise en cause de certaines clauses de l’Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC).
Parmi les engagements internationaux que Trump rejette, ceux liés au climat occupent une place centrale. Dès janvier 2025, il officialise le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris, poursuivant ainsi la ligne déjà amorcée sous son premier mandat. Ce désengagement s’appuie sur un argument économique : selon son administration, les normes environnementales imposées par l’accord freinent la compétitivité des entreprises américaines et nuisent aux emplois dans l’industrie fossile.
L’environnement relégué au second plan
Sur le plan intérieur, Trump multiplie les mesures favorisant les énergies fossiles. En mars 2025, il signe un décret assouplissant les restrictions sur l’exploitation pétrolière en Alaska, permettant ainsi aux compagnies américaines d’accroître leur production. Cette décision est perçue comme un défi aux engagements internationaux en faveur de la transition énergétique.
Le retrait des États-Unis des engagements climatiques mondiaux soulève de vives critiques à l’international. L’Union européenne et la Chine annoncent en avril 2025 de nouvelles initiatives pour compenser l’absence américaine dans la lutte contre le réchauffement climatique. L’Allemagne et la France, en particulier, intensifient leur coopération pour renforcer les normes environnementales à l’échelle européenne, cherchant ainsi à éviter un recul global des efforts climatiques.
Le désengagement américain des accords climatiques s’accompagne d’un soutien renforcé aux industries du charbon et du pétrole. Trump mise sur l’exploitation des ressources fossiles pour garantir l’indépendance énergétique des États-Unis.
Le désengagement des États-Unis des organisations internationales ouvre la porte à une recomposition des équilibres géopolitiques. En se retirant des engagements multilatéraux, Trump laisse le champ libre à d’autres puissances pour renforcer leur influence. La Chine, notamment, saisit cette opportunité pour accroître son rôle dans les institutions internationales.
Dès janvier 2025, Pékin annonce une augmentation de sa contribution financière aux Nations Unies, cherchant à compenser la réduction américaine. Cette stratégie vise à renforcer l’influence chinoise au sein des instances multilatérales, en particulier dans les domaines du commerce et du développement. De son côté, l’Union européenne tente de jouer un rôle plus actif sur la scène diplomatique, bien que la division entre États membres freine certaines initiatives.
La doctrine Trump, en rompant avec l’interventionnisme traditionnel des États-Unis, transforme profondément les rapports de force mondiaux. Si cette politique satisfait une partie de l’électorat américain, elle soulève des inquiétudes quant à la stabilité des alliances historiques et au maintien d’un ordre international fondé sur la coopération multilatérale.
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