Accords de pêche UE-Maroc annulés : la CJUE apporte son soutien au peuple sahraoui

La reconnaissance internationale du Sahara occidental est-elle en marche ?

Accords de pêche UE-Maroc annulés : la CJUE apporte son soutien au peuple sahraoui

La reconnaissance internationale du Sahara occidental est-elle en marche ?

Le 4 octobre 2024 marque une date clé dans la lutte diplomatique et juridique entourant le Sahara occidental. En annulant deux accords majeurs entre l’Union européenne et le Maroc, la Cour de Justice de l’Union européenne réaffirme le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui et bouleverse l’équilibre géopolitique de la région.

Le Sahara occidental, territoire non autonome depuis 1966 selon les Nations Unies, demeure une zone de tensions internationales. Le jugement rendu par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) le 4 octobre 2024 constitue un tournant majeur. En annulant les accords de pêche et d’association entre l’UE et le Maroc, la CJUE a estimé que ces derniers violaient le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui. Ce verdict, accompagné d’un délai d’un an pour ajuster l’accord d’association, met en lumière les enjeux juridiques, économiques et diplomatiques d’un territoire convoité.

Dates importantesChiffres clés
1966 : L’ONU classe le Sahara occidental comme territoire non autonome.208 millions d’euros : Montant alloué par l’UE dans l’accord de pêche avec le Maroc, annulé par la CJUE.
1973 : Création du Front Polisario, organisation revendiquant l’indépendance du peuple sahraoui.20% : Proportion du territoire sous contrôle du Front Polisario.
1975 : La Cour Internationale de Justice reconnaît le droit à l’autodétermination des Sahraouis.4 octobre 2024 : Décision historique de la CJUE annulant les accords UE-Maroc.
2016 : Le tribunal de l’UE annule un premier accord d’association incluant le Sahara occidental.Un an : Délai accordé pour réviser l’accord d’association après la décision de 2024.
2023 : Expiration de l’accord de pêche UE-Maroc.45 000 tonnes : Exportations annuelles de tomates sahraouies vers l’Europe.

Le Sahara occidental est un cas d’école où le droit international se heurte aux ambitions géopolitiques. Depuis la fin de la colonisation espagnole, le Maroc revendique sa souveraineté sur ce territoire, bien que la Cour Internationale de Justice ait reconnu en 1975 le droit des Sahraouis à disposer d’eux-mêmes. Sur le terrain, environ 20 % du territoire est sous contrôle du Front Polisario, tandis que le Maroc exerce une domination sur le reste.

Cette bataille juridique met également en lumière les divergences au sein de la communauté internationale. Alors que les États-Unis, sous Donald Trump, ont reconnu la souveraineté marocaine en 2020, l’Union européenne se trouve aujourd’hui contrainte de revoir sa position face aux injonctions de la CJUE. Les répercussions sont multiples : économiques pour le Maroc, dont les exportations de melons et tomates vers l’Europe devront désormais porter l’étiquette « Sahara occidental », et diplomatiques pour l’UE, accusée par Rabat de s’immiscer dans ses affaires internes.

Les arrêts de la CJUE du 4 octobre 2024 imposent une jurisprudence contraignante pour les accords commerciaux de l’UE avec des territoires non autonomes.

La décision de la CJUE ne se limite pas aux seuls accords commerciaux et de pêche entre l’Union européenne et le Maroc. Elle vient également rebattre les cartes de l’influence internationale sur le Sahara occidental. Face à ce revers juridique, Rabat n’a pas tardé à réagir en renforçant sa coopération avec Moscou. Cette orientation stratégique vers la Russie, déjà amorcée dans d’autres secteurs économiques, pourrait permettre au Maroc de diversifier ses partenaires commerciaux et d’atténuer les pertes financières liées à l’annulation des accords européens.

La Russie, qui a intensifié ces dernières années ses relations avec plusieurs pays africains, y voit une opportunité d’accroître son influence dans une région où la présence occidentale, notamment française, recule. L’exploitation des eaux sahraouies par la Russie, en contrepartie d’un soutien politique au Maroc, illustre ce basculement progressif vers un partenariat plus large, intégrant la pêche, les ressources naturelles et la coopération militaire.

Une Europe divisée face aux décisions de sa propre justice

L’arrêt de la CJUE met également en lumière les dissensions internes à l’Union européenne sur la question du Sahara occidental. Si l’instance juridique européenne a clairement statué en faveur du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui, plusieurs États membres, dont la France, affichent un soutien explicite à la souveraineté marocaine sur ce territoire. Ce décalage crée une contradiction entre la politique étrangère de certains pays et les décisions juridiques qui s’imposent à l’ensemble des États de l’UE.

Le précédent judiciaire de 2016, où un accord avait été annulé puis renégocié, montre que Bruxelles pourrait chercher à contourner l’obstacle en négociant un nouveau texte excluant formellement le Sahara occidental. Cependant, une telle démarche nécessiterait de convaincre Rabat de signer un accord amputé d’une partie de son territoire revendiqué, ce qui semble peu probable dans un contexte de tensions diplomatiques croissantes.

Un avenir incertain pour les relations UE-Maroc

Si les effets économiques de la décision ne sont pas immédiats, ils pourraient s’avérer considérables à moyen terme. La perte des tarifs commerciaux préférentiels pour les produits sahraouis représente un coup dur pour les exportateurs marocains. Le secteur agricole, particulièrement concerné, devra s’adapter aux nouvelles réglementations imposées par Bruxelles, notamment l’étiquetage obligatoire des produits en provenance du Sahara occidental.

De leur côté, les entreprises européennes impliquées dans l’exploitation des ressources sahraouies devront revoir leurs stratégies. L’accord de pêche annulé permettait à plusieurs flottes européennes d’accéder aux eaux sahraouies en échange d’un financement substantiel. Sans alternative immédiate, ces opérateurs devront se repositionner sur d’autres marchés, au risque de fragiliser leur activité.

Le Front Polisario sort renforcé de cette bataille juridique. Cette victoire pourrait relancer la reconnaissance diplomatique de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) auprès de certains États.

L’Union européenne se retrouve dans une situation délicate. Si elle entend respecter l’arrêt de la CJUE, elle doit en parallèle préserver ses relations stratégiques avec Rabat, partenaire clé dans la gestion des flux migratoires et la lutte contre le terrorisme au Sahel.

Le Maroc, en réaction, pourrait multiplier les représailles diplomatiques et économiques. La suspension de certaines collaborations avec l’UE ou le renforcement des liens avec d’autres puissances, comme la Chine ou la Russie, sont des options sur la table. Cette situation crée un dilemme pour Bruxelles : faire appliquer ses propres décisions juridiques tout en évitant un conflit ouvert avec un allié de premier plan en Afrique du Nord.

Crédit photo : Jaysen Naidoo/Flickr

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